La sculpture représente un torse de jeune fille dont les jambes sont coupées au-dessus des genoux, la tête entièrement cachée sous une chevelure abondante, soigneusement peignée, selon la manière de Brancusi de représenter des cheveux riches, semblant s’écouler en torrents. Les bras sont étroitement serrés contre le corps, dirigés vers la région génitale dans un geste pudique, comme pour couvrir sa nudité (photo 1).

Le torse symbolise une jeune fille amoureuse dont les sentiments sont devenus aveugles (« l’amour est aveugle ») : l’artiste couvre son visage avec la chevelure éparse, tandis que, dans la région de la poitrine, on remarque une portion arrondie plus marquée, pouvant symboliser un ovaire (selon l’expression « une femme amoureuse pense et ressent avec ses ovaires »). Brancusi réemploiera cette forme arrondie pour représenter le baiser, les couples d’amants, la cellule (ovule, œuf) d’où, par division, naîtra un nouvel être — symboles que l’on retrouve dans La Porte du Baiser de Târgu-Jiu.

Les muscles fessiers, bien dessinés, apparaissent sur la partie dorsale du torse (photo 2), mais l’artiste les abandonnera dans le torse de 1909 (collection du Musée d’Art de Craiova, Roumanie).

Description de Jeune fille amoureuse (1907–1909)

Photo 2

Photo 1

La sculpture présente une légère patine et conserve des traces de peinture ocre (argile utilisée comme pigment pour les peintures), technique employée par Brancusi sous l’influence des statues antiques, à une époque où l’on avait coutume de peindre le marbre. Lorsque l’artiste s’est intéressé à la structure même du matériau, il abandonna cette pratique.

Le torse est signé à la base par une inscription incisée en lettres calligraphiques : C Br (photo 6). Le socle en pierre, de forme tronconique pyramidale, porte la même signature sur la grande surface trapézoïdale inférieure (photo 7).

Les dimensions et leurs rapports ont été choisis de façon à donner au socle l’apparence d’un parallélépipède rectangle lorsqu’on le regarde de face ou de dos (photo 8), et celle d’un tronc de pyramide lorsqu’on l’observe de profil (photo 9).

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Photo 3

Photo 4

Photo 6

Photo 5

Photo 7

Une observation générale de l’œuvre fait apparaître plusieurs formes géométriques — triangle, cercle, rectangle, trapèze, lignes droites et d’autres légèrement courbes d’influence cubiste —, qui permettent de situer la sculpture dans la période parisienne de Brancusi, entre 1907, date des débuts du cubisme, et 1909, moment où l’artiste porta un regard nouveau sur le torse.

Une autre caractéristique, typique de Brancusi attiré par les techniques d’ingénierie, réside dans le fait que le torse ne peut garder son équilibre que dans une seule position, de manière à ce que la signature du socle demeure placée à l’arrière. Cette particularité provient d’une légère irrégularité de la surface à la base du socle, volontairement sculptée par l’artiste.

La sculpture présente plusieurs bras stylisés de formes différentes (photo 3), délimités par des cavités sculptées dans le marbre : ceux situés à l’avant sont dirigés vers la région génitale, tandis que ceux placés sur les côtés évoquent des formes de bras similaires à celles du Baiser (côté droit, photo 4) et, plus tard, de Mademoiselle Pogany (côté gauche, photo 5).

En observant la ligne médiane de la pièce, on constate une asymétrie entre les deux parties, perceptible dans la forme des cuisses (photo 1), des fessiers (photo 2) et dans la disposition de la chevelure sur les épaules droite et gauche (photos 4 et 5). On peut dire que le côté gauche apparaît plus masculin que le droit, mais ensemble ils forment un être unique, en parfaite harmonie.

Photo 8

Photo 9

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